Article écrit par Ley Mitchely Koumba M’backoux, Rédacteur chez IPSA Initiative pour la Paix et la Sécuritéen Afrique
La sécurité énergétique en Europe est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et qui anime beaucoup de débats. L’Europe importe la quasi–totalité de ses ressources énergétique, ce qui la rend dépendante des principaux pays exportateurs comme la Russie, les États–Unis, l’Algérie ou le Qatar pour le gaz naturel, le pétrole et les combustibles solides. En 2020, la dépendance énergétique européenne est comme tel : 29% du pétrole européen provient de la Russie ; quant au gaz naturel, 40% provient de la Russie et 11% de l’Algérie et 4% du Qatar. En ce qui concerne les combustibles solides, 42% proviennent de la Russie et 18% des États–Unis. Seulement, la menace d’une coupure de gaz de la part de la Russie plane toujours.
Bien que la guerre en Ukraine ait été comme un boost pour les européens qui veulent désormais accélérer leur transition vers les énergies renouvelables, ajouté à cela la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour sauver la planète, la différence au niveau de la consommation et des importations de ressources énergétiques entre les pays de l’UE crée des tensions quant à la prise de décisions communes au niveau européen. En effet, plusieurs pays européens sont dépendants des ressources énergétiques soit de l’Ukraine ou de la Russie, c’est le cas de l’Italie, la Pologne, la Hongrie ou l’Allemagne par exemple et d’autres pays moins dépendants comme la France. Pour étudier les enjeux de la sécurité énergétique en Europe, nous ferons donc une étude comparative entre le cas français et le cas allemand dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine.
Cas de l’Allemagne :
Avant la guerre en Ukraine l’Allemagne se fournissait à environ 55% du gaz auprès de la Russie. La Russie est son principal fournisseur d’énergie. Elle lui apporte plus de la moitié de son gaz naturel et de son charbon et un tiers de son pétrole brut. Mais la crise actuelle a renforcé la détermination du pays comme des autres Etats européens à remplacer les énergies fossiles et à accélérer la transition énergétique(Energiewende). Le gouvernement a révélé ses plans pour totalement renoncer au charbon d’ici 2030, soit 8 ans plus tôt que la date fixée par le précédent gouvernement. L’Allemagne espère obtenir 80 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici la même date, un chiffre en hausse par rapport à ce qui avait été auparavant fixé, à 65 %. En 2021, ce taux atteignait tout juste 42 %, à peine la moitié de l’objectif. Pour l’Allemagne, la guerre en Ukraine s’est ajoutée comme argument de sécurité énergétique à la crise climatique. Le lot de lois comprend également des mesures plus concrètes. Il encourage de nouveau les citoyens à installer des panneaux solaires sur les toits ou à ériger des centrales solaires communautaires. Les nouveaux bâtiments, eux, auront pour obligation d’installer des panneaux solaires.
Mais ces plans ont été mis en place avant la guerre en Ukraine, et à ce moment, le gaz naturel Russe était ce qui devait assurer la transition. Cela devait permettre au pays de fermer ses centrales électriques, alimentées au charbon et responsables de fortes émissions, pendant qu’il développait le secteur des énergies renouvelables. De plus, la détermination allemande de mettre fin à l’exploitation de l’énergie nucléaire fait en sorte que cette dernière ne soit pas non plus une option envisageable. Pour remplacer le gaz russe et en même temps assurer sa transition énergétique, l’Allemagne n’a comme seule option que de trouver de nouveaux fournisseurs et maintenir les efforts pour sa transition vers les énergies renouvelables. L’Allemagne a notamment annoncé la construction d’infrastructures permettant d’accueillir le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) en provenance des États–Unis.
Mais dans ce contexte, la transition allemande et son indépendance vis–à–vis des ressources russes pourrait prendre plus de temps par rapport aux exigences européennes. L’Allemagne qui visait l’arrêt de l’utilisation du charbon d’ici 2030 et à la neutralité carbone d’ici 2045 aura du mal à tenir ses engagements énergétiques et climatiques. Elle va utiliser plus de charbon allemand et moins de gaz russe dans son système électrique. Or, le charbon émet deux fois plus de CO2 que le gaz russe. En contrepartie, l’Allemagne promet de relever ses ambitions de de renouvelables à 2035.
Cas de la France :
La France dépend de la Russie pour près de 20% de ses approvisionnements en gaz. Mais, depuis le printemps 2020, le prix du gaz a été multiplié par trois et devrait croître encore avec les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Son mix énergétique et son approvisionnement énergétique sont différents de ceux de l’Allemagne. Ses principaux fournisseurs en pétrole brut sont le Kazakhstan (16%), les États–Unis (13%) et l’Arabie Saoudite (12%) ; et en gaz
naturel la Norvège (36%), la Russie (entre 17 et 20%) et l’Algérie 8%). La dépendance énergétique vis–à–vis de la Russie n’est pas aussi forte qu’en Allemagne et donc la transition semble plus simple. L’Etat français souhaite atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, réduire la consommation d’énergie fossile de 30 à 40% d’ici 2030, augmenter la part d’énergie renouvelable dans sa consommation d’énergie et réduire de moitié son utilisation du
nucléaire dans la production électrique d’ici 2035. Le nucléaire est dans très présent dans la production d’électricité en France. 70% de l’électricité produite en France provient du nucléaire et 21% des énergies renouvelables quand en Allemagne 40% de son électricité provient des énergies renouvelables et 18% du gaz. La loi de la transition énergétique française prévoit la rénovation énergétique des bâtiments et la performance énergétique des bâtiments neufs : afin de réduire la facture d’énergie des Français, inciter le recours aux énergies renouvelables et créer des emplois ; La lutte contre la précarité énergétique en mettant en place le chèque énergie pour aider les ménages modestes à payer leur facture suite à la flambée des prix; Le développement de la mobilité propre : inciter à l’achat ou à l’utilisation de véhicules plus propres comme les voitures électriques, bus électriques et la sortie du nucléaire et le développement des énergies renouvelables : réduire la production d’énergie nucléaire afin d’atteindre l’indépendance énergétique et inciter au développement des fournisseurs d’électricité verte.
La France émet donc des politiques de sobriété et d’efficacité telles que : la baisse de température dans les bâtiments, la limitation de vitesse des voitures. Ces politiques sont des politiques applicables en quelques semaines. Elles visent à réduire les consommations d’énergie par des changements de comportement, de mode de vie et d’organisation collective.
La stratégie française est donc de rechercher une indépendance énergétique pour faire face à son manque de ressources naturelles et donc réduire les importations, sécuriser l’approvisionnement en énergie en recherchant et en collaborant avec des partenaires fiables, d’où la diversification des sources d’approvisionnement tout ceci en réaffirmant son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions des gaz à effet de serre.
CONCLUSION
Sortir de sa dépendance énergétique le plus rapidement possible est une nécessité pour l’Europe. Le défi énergétique est encore plus grand aujourd’hui face à la crise énergétique causée par la guerre en Ukraine. La Russie est le principal fournisseur en gaz naturel, en combustibles solides et en pétrole de plusieurs pays de l’Union européenne. Cependant, l’étude des cas de la France et l’Allemagne nous montre combien assurer cette transition énergétique et obtenir cette souveraineté énergétique n’est pas chose aisée pour les européens. Pour cause, la différence entre les mix énergétiques et les sources d’approvisionnement énergétiques entre les pays d l’Union. Certains pays sont beaucoup plus dépendants de la Russie que d’autres et donc la transition ne peut pas se faire de la même façon et. A la même vitesse. L’Allemagne beaucoup plus dépendante de la Russie que la France et beaucoup plus affectée par la crise actuelle opte pour une transition par étape qui comprend l’utilisation du charbon, une augmentation de la production issue des énergies renouvelables et tente de sécuriser son approvisionnement en cherchant à le diversifier et à diversifier son mix énergétique. C’est donc une solution qui portera des fruits sur le long terme, car tout de suite,
elle ne peut pas se défaire des ressources russes au risque de bouleverser son économie. La France avec un mix plus dépendant du nucléaire dont elle est productrice, des sources d’approvisionnement variées et sûres et une dépendance moins accrue aux ressources russes opte pour des politiques de sobriété. Ces politiques sont efficaces et utiles sur le court terme et permettent une réduction de la consommation d’énergie par des comportements. La transition française vers les énergies renouvelables semble donc beaucoup plus simple.
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