Par Oumar Ndiaye, journaliste, diplômé en Relations internationales et études de sécurité.
La présence de bases militaires d’un pays avec qui un accord de défense vous lie n’a aucune corrélation à une absence de souveraineté. Une politique de défense et de sécurité se base certes sur la souveraineté à qui il faut allier mutualité et complémentarité. Les enjeux sécuritaires et militaires sont tellement complexes qu’il faut les appréhender avec une vision globalisante et non réductrice. La coopération militaire entre le Sénégal et la France remonte à plusieurs décennies et est compréhensible eu égard du passé entre nos pays. Rappeler que les premiers éléments de notre armée étaient des supplétifs de l’armée française à l’aube de l’indépendance en 1960. L’embryon d’une armée et la formation de nos premiers officiers se sont faits avec l’aide et l’appui de l’ancienne puissance colonisatrice qui, avec beaucoup de pays ayant des liens similaires, a signé des accords de défense qui ont maintenus des bases sur place. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de Djibouti, du Tchad, du Sénégal, entre autres. Ces accords de défense couvrent un ensemble de domaines comme la formation, les équipements, le partage de renseignements, le stationnement et autres facilités. C’est ainsi que l’armée française a accompagné la montée en puissance de la nôtre jusqu’à ce qu’elle puisse avoir une certaine autonomie, qui n’est pas certes stratégique, mais nous permettant d’avoir une armée professionnelle, formelle, respectable et responsable tant au niveau interne qu’à l’extérieur et cantonnée à ses missions principales. Aujourd’hui il suffit de voir la formation de nos officiers, qu’elle soit continue, d’application, d’école de guerre, pour constater leur origine diversifiée et dense allant du Maroc, Mali, Nigéria, États Unis, Chine, Italie, Grande Bretagne, etc. Sans compter nos écoles militaires qui avec l’appui technique de la France, sont aujourd’hui des Écoles Nationales à Vocation Régionale selon le vocable usité. Il suffit de taper sur internet pour rechercher les bases américaines dans le monde pour voir dans la liste des pays aussi souverainistes et nationalistes que le nôtre qui accueillent des GI’s ou Us Marine sur leur sol. Ces pays aussi développés que le nôtre ne seraient donc pas souverains parce qu’accueillant des bases militaires d’un pays étranger ? Le lien n’est ni indéniable ni incontestable. D’autant plus que le retrait progressif des soldats français en Afrique et particulièrement au Sénégal, était inscrit dans Le Livre blanc de Défense et de Sécurité nationale de la France depuis……2008, au moment où cette fièvre nationaliste et souverainiste avec ses accents populistes n’avait pas encore cette température hémorragique en Afrique et au Sahel. « Les moyens militaires de la France prépositionnés dans plusieurs pays étrangers doivent être cependant reconfigurés. La France n’a pas vocation à être militairement présente en permanence sur les mêmes bases. Elle doit être capable de redéployer et de concentrer rapidement son action pour agir efficacement. La France procédera donc à la conversion progressive de ses implantations anciennes en Afrique, en réorganisant ses moyens autour, à terme, de deux pôles à dominante logistique, de coopération et d’instruction, un pour chaque façade, atlantique et orientale, du continent, tout en préservant une capacité de prévention dans la zone sahélienne », lit-on dans cet ouvrage qui est le condensé de la programmation militaire de la France.
Ceci en concomitance et coïncidence avec l’option et la vision du Président Abdoulaye Wade qui avait décidé que beaucoup d’emprises des Forces Françaises du Cap Vert (FFCV) d’alors reviennent à notre pays. Le camp Bel Air nous a été ainsi rétrocédé et il sert aujourd’hui d’École d’Application du Service de Santé des Armées, de même que les logements situés à Fann, actuel Ucad III, ceux en face de l’école de Police pour les familles des militaires. Aujourd’hui, les Éléments Français du Sénégal (EFS), nouvelle appellation du dispositif de l’armée française au Sénégal, qui sont autour de 350 hommes et femmes sont implantés au quartier colonel Frédéric Geille à Ouakam et au quartier contre-amiral Protet (port militaire de Dakar). Ils disposent également d’une escale aérienne à l’aéroport militaire de Dakar-Senghor ; d’une station d’émission haute fréquence de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) à Rufisque. Donc pas « un tiers de la région de Dakar occupé par des garnisons étrangères » comme l’a affirmé le leader du Pastef, Ousmane Sonko, lors de sa conférence avec son homologue de La France Insoumise, Jean Luc Mélenchon, le jeudi 16 mai 2024, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Dans une réflexion publiée dans l’édition du journal Le Soleil, du 9 décembre 2023, je disais que : « Face à l’immensité des défis, surtout par l’apparition de la guerre de haute intensité en Europe avec le conflit russo-ukrainien et l’hybridité des conflits à venir, l’Otan s’est « ressuscitée » et se place comme étant la réponse idéale et vitale pour ses membres. Il doit être de même pour les pays ouest africains et aussi du Sahel qui doivent renforcer les alliances stratégiques existantes tout en insistant sur les solutions endogènes et les expériences réussies. Il est vrai que la sécurité est certes un domaine de souveraineté, mais il est indispensable de nouer des partenariats afin d’avoir une bonne complémentarité et mutualité pour bien l’assurer ». Il faut donc voir ce qui est réussi dans ce partenariat sécuritaire et militaire et voir comment améliorer les échecs et pas se contenter d’options et de visions réductrices….
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